ANGLETERRE 19 - 14 FRANCE
L'Equipe et ses jeux de mots toujours très inspirés. Promis on a pas copié sur eux pour écrire notre article.
Six semaines après avoir entamé sa préparation pour la coupe du monde, le XV de France retrouvait son meilleur ennemi à Twickenham dans l’espoir de valider tout le boulot effectué en amont et de se trouver des certitudes. Après une prestation en demi-teinte, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. C’était aussi l’occasion pour certains de se montrer et de « donner le mal de tête aux sélectionneurs » en vue de la liste définitive, pour reprendre les mots de François Trinh-Duc. On va s’en mêlée distribue les bons et les mauvais points à cette équipe toujours emmêlée.
C’est toujours plus simple, voire simpliste, de séparer avants et arrières à l’heure de commenter les performances des joueurs, notamment d’un point de vue collectif. Cependant, la prestation des Bleus hier soir pousse à agir comme tel. En effet, la différence est criante. Le pack français a été conquérant, en touche et en mêlée fermée, et a su mettre des ballons propres à disposition de la ligne d’arrière, en proposant des libérations rapides et en cherchant à faire vivre le ballon. Dans le sillage d’un Louis Picamoles déjà très en jambes, le 8 de devant s’est montré très à son avantage hier soir. En aparté, cela valide de concert le travail de Yannick Bru et la décision de la FFR de le reconduire dans le staff de Guy Novès pour les quatre prochaines années. Ces propos sont tout de même à tempérer étant donné la relative inexpérience des avants Anglais.
Face à cette bonne tenue des avants, mais surtout face à leur vis-à-vis Anglais, les arrières Français ont eu toutes les peines du monde à proposer de bons enchainements et, plus inquiétants, ont été dépassés à plusieurs reprises en défense, parfois même sur des ballons de première main (comme sur le second essai de Watson, 18ème minute). Dommage. Dommage car, comme souligné plus haut, le pack a fait le boulot pour les mettre dans de bonnes conditions. Dommage aussi car l’entame de match s’est avéré très prometteuse, avec une volonté de faire vivre le ballon et un joli coup de pied rasant dans la ligne de Lamérat bien suivi par la vitesse de Dulin, qui était très proche d’aplatir. A part en de rares occasions, les arrières Français n’ont pas su choisir les bons angles et le bon tempo de courses pour mettre en difficulté la perfide Albion. On peut se poser beaucoup de questions. Au regard de l’incapacité que l’on a eu à déplacer les ballons jusqu’aux ailes face à la défense inversée anglaise, pourquoi associer deux premiers centres de formation et pourquoi ne pas prendre un mètre supplémentaire de profondeur pour se donner le temps de combiner? L’absence de combinaisons de première main n’est-elle pas inquiétante, surtout comparée à ce que les anglais ont pu proposer ?
Ces interrogations sont légitimes, mais au même titre que la bonne perf des avants, elles méritent d’être tempérée car il faut du temps pour que le liant et le collectif des arrières se mette en place. Et avec trois semaines de préparation de retard sur les Anglais, on peut considérer normal que leur jeu soit plus en place que le nôtre. Gageons que Saint-André et Lagisquet ont une ligne directrice claire et qu’un mois de travail supplémentaire permettra d’arriver à point pour le mondial.
Match assez frustrant donc, et paradoxal dans le sens où malgré l’incapacité à combiner derrière, les Français aurait pu gagner ce match, ratant deux occasions d’essais de très peu (Dulin, puis Atonio). Alors oui, les Anglais avait fait le choix de jouer tous les ballons, et aurait pu enquiller trois ou six points supplémentaires au pied. Mais avec des Si…
Passons donc à notre exercice favori, la revue d’effectif, ligne par ligne.
Debaty : Une fois n’est pas coutume, il n’a pas ménagé ses efforts, et il prouve qu’il vaut bien mieux que le statut d’impact auquel on a longtemps voulu le cantonner. Avec une bonne tenue en mêlée et une grande disponibilité dans la ligne d’attaque, le belge a fait son match et a sans doute encore marqué des points pour faire partie des 31 mondialistes. Remplacé par Chiocci vers la 50ème qu’on a moins vu et qui a enrayé notamment une belle dynamique en faisant un en avant évitable alors qu’il voulait relever un ballon au sol.
Szarzewski : Plaqueur infatigable, le capitaine du jour a été assez propre en conquête, et a notamment participé à la belle performance du pack Français en mêlée. Pourtant, sa prestation est entachée de deux lancers perdus, dont celui qui mène à l’essai de Johnny May (46ème) et qui coute très cher. Mais plus globalement, il paye la comparaison avec Guirado, entré à la 50ème, qui apporte toute son explosivité dans la ligne d’arrière, et qui à mon sens, tient la corde pour une place de titulaire au talon.
Mas : Le Bus a sorti une grosse perf en mêlée, et c’est très rassurant pour le mondial. Gros plaqueur, mais moins en vue en attaque, sa prestation n’en reste pas moins très positive. Atonio, qui l’a remplacé a lui aussi fait le taff en mêlée (sauf sur la dernière ou il s’est complètement craqué) et est passé proche d’inscrire un essai après une série de pick & go sur la ligne d’en-but anglaise.
Petit aparté : le staff ayant manifesté la volonté de partir au mondial avec trois talonneurs, un pilier restera fatalement sur le carreau. A gauche, Debaty, auteur d’un gros match, et Ben Arous, dont le profil de gratteur plait beaucoup aux sélectionneurs, ont semble-t-il validé leur ticket. A droite, Mas, pour son expérience et sa bonne tenue et mêlée, et Slimani, auteur d’une fin de saison canon avec le Stade Français, feront aussi partie du squad, sauf surprise. Cela se jouera donc entre Chiocci et Atonio, qui possèdent un profil similaire. Je mets une petite pièce sur Atonio qui a plus de vécu avec le groupe et qui possède l’avantage de pouvoir dépanner à gauche comme à droite.
Maestri : Fidèle à lui-même, il a fait le boulot dans les compartiments qu’il maitrise, à savoir au cœur du jeu, dans le combat et dans les rucks. Il a aussi pris quelques ballons en touche, ce qui prouve qu’il a une panoplie assez large et donc qu’il est quasi indispensable. Remplacé par Vahaamahina pour le dernier quart-d’heure, trop court pour être jugé.
Flanquart : Son profil aérien offre une rampe de lancement appréciable en touche. Il est assez propre dans ce qu’il fait, mais on aimerait qu’il fasse plus mal à l’impact, qu’il soit plus méchant quoi.
Nyanga : Bonne perf du néo-francilien. Du coté de Toulouse, on pleure son départ et à raison. Puissant, rapide et athlétique, il ne s’est pas échappé au plaquage et a toujours cette volonté très appréciable de faire vivre le ballon. Auteur d’une belle relance agrémentée d’un magnifique, quoiqu’inutile, pas de l’oie. Il serait à mon avis le parfait complément de Dusautoir. Remplacé par Goujon, qui enterre le ballon sur la dernière action, et dont je ne saisis pas encore l’utilité.
Ouedraogo : Dans le même registre que Nyanga, il a été moins en vue que ce dernier. Il semble un peu moins puissant, mais c’est un très bon sauteur et il offre ainsi une option supplémentaire en touche.
Picamoles : Pika est de retour, et il risque bien de mettre tout le monde d’accord. Auteur d’une belle percée au cœur du jeu, il a constamment mis l’équipe dans l’avancée. Il semble évident qu’il part titulaire pour la coupe du monde, ayant un profil de perforateur bien plus intéressant que Chouly et Goujon, ses concurrents direct.
Pause : parmi les deuxièmes et troisièmes lignes, deux joueurs devront quitter le groupe. Le Roux peut dépanner en deuxième-ligne, les sièges éjectables semblent donc se situer sous Goujon, Ouedraogo et Vahamaahina.
Parra : Une bonne prestation, illustrée par un 3 sur 3 face aux perches, et un pack bien guidé. Il a su dynamiter le jeu et créer de la vitesse. Dommage que la transformation du jeu n’est pas été assurée par les arrières. Son expérience (60 capes et une finale de coupe du monde) joue en sa faveur pour le poste de 9 titulaire. Remplacé par Kockott qui semble avoir du feu dans les jambes, mais qui rate une transformation (certes difficile) et qui fait quelques choix contestables, notamment un petit coup de pied rasant en fin de match alors que le soutien à l’extérieur laissait supposer qu’il y avait bien mieux à faire.
Trinh-Duc : Ses larmes pendant la marseillaises font chaud au cœur. Malheureusement, il n’a pas assez pesé sur le jeu, et a fait quelques choix douteux. Il a besoin de confiance je pense, et il est le seul ouvreur qui peut apporter de l’imprévisibilité. Comme Parra, son expérience (50 capes et une finale de coupe du monde) peut faire pencher la balance de son côté. D’autant plus que Tales, qui l’a remplacé, n’a rien montré de plus.
Un joueur parmi les demis devra aussi faire ses valises avant la coupe du monde. Face à l’obsession des sélectionneurs de partir avec plusieurs joueurs qui offrent des garanties face aux perches, Parra et Michalak seront vraisemblablement dans le groupe, tout comme Kockott, buteur toute distance, quoique moins précis. Trinh- Duc, grâce à son imprévisibilité, devrait lui aussi accrocher le wagon. Ainsi, Tillous-Borde et Tales ne sont pas à l’abri d’une mauvaise surprise…
Dulin : On ne va pas s’étendre sur son imitation convaincante d’un lampadaire sur le premier essai de Watson. D’une part, il jouait à un poste inédit pour lui, d’autre part, ça arrive à tout le monde de se rater, et on ne va pas balayer quatre ans de bonnes prestations pour un plaquage manqué. A côté de ça, excepté un en-avant évitable, il a été plutôt bon, très disponible dans la ligne d’attaque et tout proche d’inscrire un essai sur la première action du match. Il a vraiment du rugby ce mec, ça se sent, et je comprends à ce titre la volonté du staff de le tester à l’aile, vu qu’il est plus ou moins barré par Spedding à l’arrière. Ca n’est pas forcément probant donc, mais je serais plutôt pour le tester à nouveau à ce poste.
Lamérat – Dumoulin : Difficile de séparer leurs performances, car ils ont un profil très similaires, et car ils se sont un peu marchés dessus. Lamérat s’en sort un peu mieux que Dumoulin sur ce match, qui n’a a pas su apporter la qualité de passeur que le staff lui attribue. Remplacé par Fickou qui, sur une feinte de passe bien sentie, a rappelé que l’intelligence situationnelle avait aussi du bon dans le rugby moderne.
Guitoune : Performance en demi-teinte pour la bordelais. Auteur d’un deux sur quatre au plaquage, et il se fait complétement aspiré sur l’essai de May. Il a été sevré de ballons en attaque, mais quand il l’a touché, il a fait preuve d’une volonté de faire jouer derrière lui. Sa place pour la coupe du monde ne semble pas inquiétée pour autant.
Spedding : Solide et bien placé, sa prestation défensive aurait été impeccable s’il n’avait pas perdu ce duel dans les airs face à May. Il a aussi un bon coup de pied, et a aussi envie de relancer. Il manque peut-être un peu d’appuis et d’imprévisibilité, comparé à Dulin, mais il offre quand-même plus de garanties défensives que ce dernier.
In fine, un joueur de la ligne d’arrière ne sera pas non plus de la coupe du monde. Si la décision initiale du staff de prendre 3 ailiers et 5 centres laissait penser qu’un de ces derniers serait le malheureux élu, la blessure au genou de Nakaitaci combiné aux tests de Fofana, Fickou et Dulin à l’aile, semblent indiquer que le joueur d’origine fidjienne, pourtant auteur de belles performances lors du 6 nations, pourrait être évincé.
Le match retour, au Stade de France Samedi prochain, permettra d’affiner toutes ces remarques, et de dégager plus de certitudes par rapport à la composition choisie par Saint André. Elle devrait être plus proche du XV type façonné par le staff.
Dans tout ça, la vraie bonne nouvelle, c’est que l’échéance coupe du monde se rapproche. On est encore à un mois de l’orgie rugbystique qui nous attend, mais putain qu’est-ce qu’on a hâte !
On va s'en mêlée
