Jonah Lomu, et le monstre s’est éteint…
Jonah Lomu nous a quittés cette nuit à l’âge de 40 ans, suite à une attaque cardiaque. Triste nouvelle. Le monde du rugby pleure sa première star, celui que Bernard Laporte avait qualifié d’« extraterrestre » et qui aura contribué à faire connaître ce sport et ses valeurs au tournant décisif de la professionnalisation. Mais surtout, en plus d’avoir été un joueur fantastique, c’était un bon gars. Hommage à ce grand bonhomme qui nous a quitté bien trop tôt.
L'extraterrestre, The Big Man, le monstre, et bien d'autres encore
1995, la bête se révèle aux yeux de la planète rugby
Jonah Lomu débute sa carrière internationale en 1994, à l’âge de 19 ans, lors d’une tournée Française en terre néo-zélandaise. Son gabarit (1m96 – 118 kgs) laisse à penser que sa place est dans le pack, parmi les gros, là où son potentiel serait le plus enclin à s’exprimer. D’ailleurs le Big Man entame sa carrière avec les All Blacks au poste de troisième-ligne centre. Ses premières sorties sont poussives, et la France s’imposent à deux reprises cet été-là (22-8 ; 23-20), avec en point d’orgue cet essai splendide de Jean-Luc Sadourny, qui contribue aujourd’hui encore à faire vivre le French Flair dans nos esprits malléables.
Quand on est Français, toutes les occasions sont bonnes de se faire mousser, en ces temps de disette
Mais la vitesse de Lomu, son agilité et sa dextérité balle en main poussent le sélectionneur d’alors à le tester dans la ligne de ¾, plus précisément au poste d’ailier. Souple comme un chat et puissant comme un buffle, le néo-zélandais se découvre alors aux yeux du monde, avec la coupe du monde 1995 en Afrique du Sud pour vitrine. A son nouveau poste, il a alors tout le loisir de partir lancé et de profiter pleinement de sa puissance. Sa capacité à casser les plaquages – à les détruire même – est inédite et impressionnante. Mais Lomu possède également de très bons appuis – rapport à son agilité évoquée plus haut, si vous nous suivez – et excelle donc dans l’évitement. Cela fait de lui un joueur imprévisible et un formidable attaquant, un cauchemar pour les défenseurs adverses. Si un seul fait d’arme devait subsister de cette coupe du monde, ce serait cet essai en ¼ de finale contre l’Angleterre. 2 plaquages cassés et un tube de l’espace sur notre ami Mike Catt pour aller en terre promise. La folie :
La bonne question à se poser:le fait de perdre son équililbre ne lui donne-t'il pas
finalement plus de puissance pour mettre le 15 sur le cul?
1999, l’envol d’un ovni
L’entre-deux coupes du monde est difficile à gérer pour le néo-zed. De sérieux problèmes rénaux lui sont diagnostiqués à l’été 97, l’obligeant à effectuer des dyalises plusieurs fois par semaine. Mais Lomu revient au meilleur moment, la coupe du monde 1999 au Royaume-Uni. La légende ne pouvait décemment pas en rester là. Avec 8 essais, il est le meilleur marqueur de la compétition. Et il joint la manière à cette performance: comme si c’était écrit, il marque une nouvelle fois un essai d’anthologie face à l’Angleterre en poule – la version bêta de l’original de 1995 – qui offre la victoire à son équipe dans un match très serré.
Toute la panoplie du joueur résumé en une course: agilité, vitesse, puissance
Le parcours de Jonah Lomu et des siens s’arrête en ½ finale face à la France, lors d’un match épique à Twickenham, que l’amateur de rugby qui sommeille en vous ne peut ignorer (43 – 31). Malgré la défaite, Lomu inscrit deux essais de délinquant lors de ce match. Plus globalement, il donne l’impression d’être inarrêtable, que rien ne le fera tomber. Sur le premier essai, il rebondit littéralement sur un Benazzi (1m97 ; 112 kgs) lancé pleine balle. Jamais la sensation qu’un joueur pouvait faire la différence seule ne fut si grande
La solution, c'était peut-être finalement de la prendre aux jambes comme Galthié.
Sinon, on a quand même l'impression que CJP et Laporte étaient moins relou à l'époque.
L’après coupe du monde est encore une fois délicat pour Lomu. Ses problèmes rénaux s’intensifie, et il peine à rester à son meilleur niveau. Il contribue néanmoins à la victoire de la Nouvelle-Zélande lors de la coupe du monde de rugby à 7 en 2001. Sa maladie l’empêche de participer à la coupe du monde 2003. En 2004, il subit une greffe de rein. L’opération est un succès et le joueur tente alors un revenir sur le prè. D’abord avec la province néo-Zélandaise de North Harbour, ensuite avec les Cardiff Blues en 2005-06. Mais des blessures le tiennent loin des terrains et ses chances de participer, à 32 ans, à la coupe du monde 2007 s’envolent.
Malgré une fin de carrière perturbée, la légende est écrite
La suite est un véritable parcours du combattant. En 2010, il rejette sa greffe de foie et doit à nouveau subir 3 séances de dyalises de 6 heures chacune par semaine. « Cette maladie est un challenge, soit tu te couches et tu meurs, soit tu l'acceptes et tu continues ». Sur ou en dehors du terrain, Jonah aura toujours montré l’exemple, il n’aura jamais renoncé. Une leçon de vie à méditer.
Le rugby lui cherche toujours un successeur. Bien sûr, l'ovalie a vu éclore des joueurs frissons. Des wilkinson, des McCaw, des Carter, des Florian Fritz (vous êtes pas d'accord? ok on en parle dans le prochain billet #teasing). Mais jamais dans ce domaine. Personne encore après lui n’a été en mesure de donner cette impression de puissance pure, de supériorité physique. Evidemment, la professionnalisation du sport s’est depuis accélérée, et la préparation des joueurs avec. Sans doute Lomu a-t-il profité d’un contexte rugbystique plus bordélique, moins cloisonné, à une époque où les moyens mis en place n’avaient rien à voir avec ceux d’aujourd’hui. Mais il n’en reste pas moins qu’il a survolé ce sport l’espace de deux coupes du monde, provoquant ce sentiment ineffable qu’il pouvait traverser le terrain avec trois joueurs sur le dos, et deux autres accrochés aux chevilles. Lomu est au rugby ce que Maradona, Pelé, Cruyff et Platini sont au foot. Ce que Sampras, Agassi, Federer et Djokovic sont au tennis. Des athlètes qui ont contribué, par leurs performances et leur talent, à démocratiser leur discipline sportive.
Youtube nous permettra en temps voulu de donner plus de poids à nos explications de la légende Lomu à nos enfants. En attendant, merci pour tout Jonah. Puisse-tu reposer en paix.
On va s'en mêlée
