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RETRO # C'ETAIT LA BÛCHE # WILLIAM SERVAT

 

 

            A l’heure du professionnalisme et de la starification des rugbymen, il est parfois bon de se remémorer certains joueurs qui descendaient sur le pré par amour du ballon, par amour du combat, par amour des troisièmes mi-temps. Ces joueurs-là sont des gardiens du temple du rugby et des valeurs qu’il est censé véhiculer (si vous les connaissez pas, elles sont quasiment toutes inscrites sur le bandeau rouge supérieur #astuce). Pour eux, pas de strass, pas de paillettes, pas de projecteurs. Ils ne jurent qu’aux ecchymoses, à la boue et aux franches poignées de main. William Servat était de ces joueurs-là. Portrait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des prétextes pour parler de William Servat, on peut en  trouver. On peut évoquer les difficultés que le Stade Toulousain éprouve à lui trouver un remplaçant depuis sa retraite en Juin 2012. On peut glisser un mot sur l’Equipe de France en reconstruction, sur l’importance de trouver rapidement une colonne vertébrale stable (l’axe 2-8-9-10-15), et sur le rôle majeur du poste de talonneur. On peut aussi dire que si ce blog avait existé plus tôt, cet article eût été écrit au moment de sa retraite sportive. On pourrait dire tout ça, mais à bien y réfléchir, est-il besoin d’un prétexte pour parler de La Bûche ? De cette force brute qui a fait les beaux jours de l’équipe de France ? Pas vraiment. En fait, la seule véritable raison qui nous pousse à griffonner ces quelques lignes, c’est toute l’estime que l’on porte à la fois au joueur et à l’homme (on est très portée sur l’Humain). Parce qu’il nous a donné beaucoup de plaisir, de bonheur même. En repensant à tout ce qu’il a fait, on a encore quelques frissons très agréables qui nous traversent l’échine. Et puis on considère aussi qu’il n’a jamais reçu d’hommage à la hauteur du travail accompli et des efforts consentis. Surement parce qu’il était trop humble. Trop modeste. Trop simple.

Bon, après, pour en revenir à l’intro un brin nostalgique, on voudrait pas non plus tomber dans un puant « c’était mieux avant ». On kiffe le rugby tel qu’il est aujourd’hui. Mais certains joueurs nous manquent, et manquent aussi certainement à l’équipe de France. Parce qu’ils étaient des références à leur poste et possédaient une aura qui transcendait l’équipe. Dominici, Galthié, Jauzion, ou plus récemment Dusautoir, qui mettait tout le monde d’accord à son meilleur niveau. Mais Servat est sans doute le joueur qui manque le plus au supporter français. Parce qu’il était LE meilleur à son poste. Parce qu’il a calé la mêlée Bleue pendant plus de 4 ans. Parce qu’il n’a jamais balancé une pizza en touche. Parce qu’il n’a jamais déçu tout simplement. Mieux, sa simple présence au sein du pack faisait office de solide xanax et apaisait coéquipiers et supporters. Avec La Bûche dans le pack, on savait pertinemment qu’on ne pouvait pas se faire prendre en mêlée. On savait qu’il allait avancer à chaque impact. On savait qu’on pouvait compter sur lui.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Bûche n'est jamais bien loin du feu

 

William Servat, le Joueur

 

Le plus simple pour parler de Servat, c’est certainement de commencer par évoquer cette grave blessure contractée en 2005. Il a alors 27 ans, vient de remporter la coupe d’Europe avec le Stade Toulousain (2003 et 2005) et le grand chelem dans le tournoi des VI Nations (2004) en qualité de remplaçant de son coéquipier de club Yannick Bru. Il est alors rattrapé par une hernie discale qui, d’une part le contraint à passer sur le billard, d’autre part l’oblige à redoubler d’efforts et de sacrifices pour revenir au sommet. Et en atteindre de nouveaux. Grosse remise en question aussi. Car de l’avis de ces proches, Servat a toujours eu une puissance naturelle bien supérieure à la moyenne qui lui permettait de limiter ses allers et venues en salle de muscu. C’est sans doute Yannick Bru, son partenaire puis entraineur au Stade Toulousain, qui en parle le mieux : "La nature a doté William d'une qualité musculaire, d'une explosivité et d'une force brute que peu de talonneurs ont, même au niveau international. J'aurais aimé avoir un tel bagage. Et je me suis toujours dit que quand le déclic se produirait, William n'aurait pas beaucoup de rivaux sur le continent...".Ça donne une idée du bonhomme.

Après cet épisode, il s’est retrouvé cloué sur un lit, seul avec lui-même, et il a du puiser dans ses ressources mentales pour tout reprendre de zéro (« start from scratch », comme on dit). C’est un parcours du combattant. Et au bout du tunnel, émergea la vraie Bûche, celle que l’on a connue, capable de défoncer les murs. Ainsi, après deux saisons blanches, et renforcé de 6 kilos de musculature, William Servat fait son retour en 2007 sur les terrains. Pendant que les internationaux sont à la coupe du monde. Les sensations reviennent vite, la condition physique aussi. Si bien que dès Février 2008, Marc Lièvrement l’appelle pour participer au tournoi des VI nations avec l’équipe de France. Il ne la quittera plus. Demandez donc à Dimitri Szarzewski ce qu’il en pense, lui qu’on annonçait comme le successeur naturel de Raphaël Ibanez. Il se contentera de bouts de matchs jusqu’à l’issue de la coupe du monde 2011. En 44 sélections avec les Bleus, il inscrira deux essais – tout en force et en puissance –, face aux AllBlacks lors de la dernière victoire Française en terre néo-zed, et contre l’Irlande en 2010, année du dernier grand chelem et de la dernière victoire Bleue dans le tournoi des VI Nations. On vous les mets en vidéo, bien entendu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son essai contre les Blacks. Du beau monde sur la pelouse.

Et on est loin des 60 pions encaissés en octobre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Celui contre l'Irlande, avec deux joueurs sur le dos. L'essai intervien vers 1'

 

Il n’existe pas de grande équipe sans grand talon, c’est une évidence, et La Bûche en est une preuve tangible. Les dernières grandes victoires françaises remontent à l’époque de son hégémonie au poste de numéro 2. Au bout du compte, Servat affiche un palmarès dont il n’a pas à rougir. Quatre boucliers de Brennus, trois titres de champion d’Europe et deux grands chelems dans le tournoi des VI nations en 2004 et 2010. Ne lui manque que le titre suprême : le trophée Web Ellis de champion du monde. Il s’en est rapproché très près en 2011. Et peut-être bien que cette mêlée noire qu’il a grandement contribué à concasser dans les dernières minutes de la finale, sans que l’arbitre ne siffle, lui trotte encore dans la tête. Quoiqu’on en doute un peu. Ou alors sans rancœur.

 

 

 

William Servat, l'homme 

 

Parce qu’au-delà du rugby, William Servat est mec simple, avec la tête sur les épaules, qui sait se satisfaire de ce qu’il obtient. Les succès ne lui ont pas fait prendre le melon. Pierrot, un bon pote, l’avait rencontré alors qu’il était à Hong-Kong dans le cadre d’un match d’exhibition contre le Racing. Il l'a croisé dans les tribunes d'un hyppodrome (il paraît que c'est la grande tendance là-bas, tout le monde va voir des courses). Il avait pu palper la simplicité de William, qui s’était naturellement intéressé à lui et à la raison de sa présence à HK. Avec sincérité et sans le prendre de haut. Plus globalement, les témoignages à propos de La Bûche font insensiblement ressortir énormément de respect et d’estime. Sans doute parce que lui-même s’est toujours comporté de la sorte. Du rugby, Servat en a tiré ses meilleurs amis. Il tient notamment un restaurant à Toulouse – La cantina San Subra – avec ses potes du pack Salvatore Perugini et Trevor Brennan. Parce que le rugby était avant tout un jeu pour lui, et donc par définition les autres acteurs de ce jeu aspirent tous à être ses amis. On en revient à un fondement du sport, et ça fait du bien de se le rappeler à l'heure ou certains acteurs omniprésent du rugby ont tendance à alimenter les rivalités de manière quelques peu malsaine et sordide. La Bûche a construit sa carrière sur le respect. On a pas souvenir de l'avoir vu dégoupiller surun terrain. Peut-être une fois, où il a décoché une mandale à Thibaut Privat. Mais de mémoire, c'était "justifié", le type avait du bien le chercher. Voilà, William Servat, un joueur respectueux et respecté. Ce respect est même poussé au sein du corps arbitral : En 2012, Philippe Saint-André lui a offert un pseudo jubilé en le sélectionnant pour le tournoi, tout en sachant pertinemment que son âge avancé ne lui permettrait pas de participer à la coupe du monde en 2015. Lors du match  face à l’Angleterre, Servat s’en va parler à l’arbitre et exige de lui qu’il revoie le timing des commandements d’entrée en mêlée. Sur un ton un peu exaspéré et ordonnant. L’arbitre a juste acquiescé :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bon, en même temps, quand on voit son regard, on a plutôt envie d'être d'accord avec lui.

 

 

 

 

 

 

Voilà ce qu’on voulait dire sur La Bûche. On espère avoir réussi à vous transmettre un peu de l'admiration que l'on porte au joueur. Et si cela pouvait inspirer Guilhem Guirado, son successeur actuel en bleu-blanc-rouge, fraîchement nommé capitaine par Guy Novès, on est preneur. Guirado est un super joueur. Très bon en mêlée fermée, il a énormément progressé au niveau de ses lancers en touche. Il est également très actif et très explosif dans le jeu courant. On le considère encore relativement loin de Servat à son meilleur niveau, mais sa progression est linéaire et il s’en rapproche sans cesse. Le tournoi des VI nations nous permettra d’évaluer s’il a les épaules assez larges pour assumer le rôle de talon et de capitaine. C’est très probable. Du moins on a envie d'y croire.

 

Rendez-vous donc le 6 février au Stade de France contre l’Italie. Mais soyez indulgent avec Guilhem et tâchez de ne pas trop analyser sa performance sous le prisme de La Bûche – même inconsciemment. Ce ne serait pas lui rendre service.

 

 

 

On va s’en mêlée

© 1515

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