Titre du site
TOURNÉE D'AUTOMNE 2016 # EQUIPE DE FRANCE # LES MAÎTRES DU JEU
En ce mois de novembre annonciateur d’un hiver pénible et lugubre, difficile de trouver des raisons de s’enthousiasmer. Une augment’ minable à prévoir, pas ou peu de petites gos dans le viseur, et le compte en banque qui s’affole face à la perspective de devoir rallumer le chauffage et d’acheter les cadeaux de noël. Parce qu’après calcul, les 100 balles des chèques-cadeaux grattés auprès du CE suffiront pas à couvrir les achats pour ton oncle, ta tante et tes petits neveux (on est assez proche de nos sous). Sans compter qu’il va falloir se creuser la cervelle pour éviter d’offrir les consensuels photophores, cigares et playmobiles, sinon ça va finir par se voir que toute cette tisane te gonfle royalement.
Heureusement, dans tout ce marasme ambiant, le XV de France a eu la bonne idée de descendre sur le stabilisé dans un format en trois opus, afin de te remonter le moral, et d’égayer ton quotidien. Alors autant le dire clairement : on s’est régalé devant l’orgie de jeu proposée par les Bleus. On en reprendrait volontiers une part. On tente donc de faire durer le plaisir avec un rapide débrief de cette tournée de Novembre.
quelques chiffres en vrac:
-
1726 mètres parcourus ballon en main, contre 1055 pour leurs trois adversaires d’un soir.
-
55 passes après contact sur les seuls matchs contre l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Une statistique élevée. Bien plus élevée que ce qui a pu être proposé par le passé. Et qui retranscrit à merveille le jeu prôné par le staff de Guy Novès.
-
3 matchs, 3 ouvreurs différents. Une constante depuis bon nombre d’années qu’il s’agirait de gommer histoire de trouver une certaine forme de continuité et de stabilité
-
1 victoire pour 2 défaites. Des chiffres qui vont à l’encontre des statistiques énoncées au-dessus, et qui reflètent le manque d’efficacité, encore latent, de cette équipe. Il faudra faire preuve de précision et de cynisme pour que les résultats commencent enfin à suivre.
-
8ème : la place occupée par le XX de France au classement du rugby mondial. Bas, beaucoup trop bas pour une nation qui fut la première à se dresser face à la domination des pays du Commonwealth.
Il suffira d'une étincelle
On prend le parti de ne pas trop nous attarder sur ce qu’il s’est passé sur le terrain. Cela a déjà été largement commenté dans les médias traditionnels. Ce qui en ressort, et qu’on a pu lire à droite à gauche dans les journaux (Midol et l’Equipe) ou en scrollant dans les commentaires de certains sites où les internautes sont encore en mesure de placer une phrase correcte composée d’un sujet, d’un verbe et d’un complément (en gros, ça veut dire tout sauf Rugbyrama et – dans une moindre mesure – L’équipe.fr), c’est que cette équipe, les joueurs qui la composent et le type de jeu vu sur le terrain sont clairement emballants. Le public est à nouveau prêt à pousser derrière ces Bleus. On a gueulé dans les bars avec toutes les personnes présentes, on a chanté, et on s’est régalé. Chose rare, on n'était pas si triste de ces deux défaites, parce qu’on a eu un vrai gros sentiment de fierté de voir ces joueurs-là.
On se souvient que les premiers mots de Guy Novès à son intronisation, sur le plateau de Stade 2, évoquaient précisément cette volonté de redonner du plaisir aux gens. Parce qu’après tout, une équipe n’est rien sans le soutien de son public. Alors on ne va pas gâcher le nôtre de voir que le capitaine du navire maîtrise un tant soit peu ce qu’il met en place et qu’il possède une vision à plus ou moins long terme pour cette équipe. La mesure dans ses propos, l’exigence qu’il impose à ses joueurs ou la sensation d’avoir toujours un coup d’avance sont rassurantes. Mais plus encore, ce qui nous fait kiffer, c’est de réaliser que l’on a (re)trouvé cette capacité de marquer à n’importe quel moment, contre n’importe quelle défense, à partir de rien ou d’un quasi rien, d’une étincelle.
La traditionnelle revue d'effectif
Kevin Gourdon, révélation de cette tournée. Et aussi une jolie grimace du 9 néo-zélandais.
Le joueur qui a crevé l’écran, sur cette tournée, c’est évidemment Kevin Gourdon. Tous les papiers se sont montrés très élogieux à son endroit, même la Boucherie Ovalie, qui n’est pas vraiment du genre à s’enthousiasmer facilement sur le premier venu. Le contenu proposé par le 3ème-ligne de La Rochelle est assez impressionnant. Efficace en défense, disponible dans la ligne d’attaque, capable de jouer debout et de faire jouer derrière lui. On a la nette impression qu’il pourrait jouer à n’importe quel poste, et qu’il aurait un rendement quasi similaire. Il incarne à la perfection le projet de jeu voulu par le staff. Il n’est pas sans rappeler un certain Olivier Magne, qui avait fait les beaux jours du XV de France (il était de la mythique demi-finale gagnée contre les All-blacks à Twickenham, 43-31), et qui ne s’est pas gêné pour lui rendre hommage sur twitter après sa première mi-temps de très haute volée contre les néo-zélandais :
En fait, ce qui nous emballe et nous scotche chez ce gars, c’est qu’il franchit les paliers comme de vulgaires plots. En Pro D2, il crevait l’écran, on se disait bon, il faudra qu’il confirme en Top 14. Dès son premier match dans l’élite, il était monstrueux, à l’image du Stade Rochelais, qui n’en finit pas de nous surprendre tout en proposant un jeu très agréable. En arrivant en équipe de France, on se disait ok là on va voir, il va passer au révélateur international. Et là il nous sort encore 3 matchs de patron, dont un clairement au-dessus du lot contre les Blacks. Il donne l’impression que quels que soient l’équipe et les adversaires, sa manière de jouer est la même, et qu’il avance toujours autant. Bref, un vrai bon et beau joueur qu’on a déjà hâte de revoir sous la tunique bleue. Il parait évident qu’il a marqué énormément de points aux yeux du staff.
Pour le reste, on a bien envie de rendre hommage aux joueurs Clermontois de ce groupe. Et en premier lieu à la paire de centre Fofana – Lamérat. Ils ont été très solides, en attaque comme en défense, et ont prouvé qu’ils pouvaient tout à fait rivaliser avec ce qui se fait de mieux au monde. Fofana, c’est quand même fou de voir les dégâts qu'il peut être capable de faire quand il y a du soutien qui suit. On s'est vraisemblablement un peu trop habitué à son talent, mais il ne faudrait pas oublier qu’il sort trois performances assez exceptionnelles sur cette tournée. Il dégage une facilité d’exécution qui fait très plaisir. On s’excuse pour l’expression, mais lui, il pue vraiment le rugby. Un vrai régal à regarder.
Dans son sillage, Lamérat a prouvé qu’il ne lui manquait qu’un club un peu plus médiatisé (Clermont) pour que la doxa rugbystique reconnaisse son talent. Gros plaqueur, gros perforateur, grosse présence dans la ligne d’attaque. On ne peut que se réjouir de son association au quotidien avec Fofana en club. Ça ne peut qu’être bénéfique à l’équipe de France.
Scott Spedding a montré de belles qualités de relance, une grosse couverture de terrain, et a constamment cherché à faire jouer derrière lui. Enfin « constamment » si l’on enlève ce 5 contre 1 croqué dans les dernières minutes du match contre l’Australie. Sur le moment, on l’avoue, on a eu très envie de relancer le débat sur la déchéance de nationalité. Mais on se montrera finalement plus mesuré :
A part son violent trou d’air sur le premier essai black, Nakaitaci s’est vraiment montré à son avantage. On l’a senti en pleine confiance, dans la continuité de son début de saison clermontois. Il a constamment réussi à faire la différence. Il rend donc bien la pareille à son alter-égo fidjien Virimi Vakatawa, dont l’apprentissage du rugby à XV continue de se faire à grande vitesse. Avec ces deux-là, nous voilà dotés de deux finisseurs très talentueux.
Pour en finir avec les Clermontois, Vahaamahina a semble-t-il prouvé qu’il avait définitivement branché son cerveau, ce qui constitue peut-être la meilleure nouvelle de cette tournée. A égalité avec le score de Jean-François Copé aux primaires des Républicains.
Comme après chaque tournée et chaque VI nations, le débat sur la charnière est relancé. Parce qu’en France, le n°10 doit savoir prendre de vitesse Usain Bolt, vriller une passe de 35 mètres pour son ailier, passer une pénalité en coin depuis la ligne médiane, et mettre un arrêt-buffet à la réincarnation de Jonah Lomu. Et si, pour changer, on acceptait juste de mettre un mec sobre à ce poste, qui soit simplement capable d’appliquer le projet de jeu sans chercher à faire la différence solo, et de ne pas s’échapper sur chaque plaquage ? On voit bien qu’on a des joueurs bandants derrière, donc pourquoi on s’obstine à cramer médiatiquement chaque ouvreur qui ne réédite pas la perf de Titou Lamaison contre les All Blacks en 1999 ? (Coucou Richard Escot, celle-là elle est pour toi)
Richard Escot à propos de C.Lopez après le match France - Nouvelle-Zélande (2016)
Richard Escot à propos de C.Lopez après le match France - Pays de Galles (2014)
Après, il faut reconnaître que l'enchaînement Machenaud pour Lopez / Lopez pour Barrett nous a vraiment fait très mal au moral. Mais c’est un peu trop réducteur d’accabler l’un comme l’autre sur cette simple action. Ok, Machenaud aurait peut-être dû compenser son retard par une inversion, en levant la tête pour voir le réalignement de la défense. Ok Lopez pouvait transmettre à son premier soutien. Mais on est aussi ok pour mettre sur le terrain tous ceux qui les ont lynchés pour ce fait de jeu. En fait, c’est juste pénible de constater que ça fait 15 piges qu’on descend un à un chaque ouvreur que les sélectionneurs ont voulu installer depuis Lamaison. (Ok, on accepte l’interlude Trinh-Duc sous Lièvremont, mais il s’est quand même fait fumer pendant la coupe du monde, ce qui n’est pas spécialement très malin au niveau du timing…).
Quand tu comprends que t’allais marquer 7 pions, et qu'en définitive,
t'en prends 7 dans la musette à la place...
Du côté des avants, on a déjà évoqué le cas Gourdon, mais il s’inscrit plus largement dans le 888 intenté par le staff, avec l’inamovible Picamoles et Charles Ollivon, qui s’est bien envoyé, en attaque comme en défense, avec un très gros volume de jeu. Bref, cette idée d’associer 3 numéros huit peut bel et bien s’avérer payante. Même si le prix à payer, on l’a vu contre les Australiens, se trouve dans le jeu au sol. Le match contre les Wallabies se perd en partie en première mi-temps sur ce secteur de jeu. David Pocock, à lui seul, nous a littéralement pourri la vie. Et si la situation s’est améliorée en 2ème mi-temps et contre les Blacks, c’est peut-être lié au fait qu’on n’a pas beaucoup vu Pica dans le jeu courant, si vous voulez notre avis. Il est allé faire le ménage et mettre quelques coups de tronches bien tassés histoire de permettre des libérations de balle rapides.
Pour le reste, Atonio commence à prendre le dessus sur un Slimani qui a visiblement décidé de se cantonner à tordre tous ses vis-à-vis en mêlée fermée. Ce qui est toujours utile pour aller gratter une ou deux pénalité en fin de match. Guirado a été fidèle à lui-même, malgré un déchet inhabituel sur ses lancers ( 5 munitions perdues contre les Blacks quand même…). On serait tenté de voir un peu plus Camille Chat qui dégage un gaz pas possible à chacune de ses entrées. A gauche, en l’absence de Poirot et Ben Arous, Baille et Chiocci ont tenu la baraque. D’une part, c’est rassurant par rapport à la profondeur du poste, d’autre part, l’absence des 2 premiers cités expliquent aussi en partie nos lacunes dans le jeu au sol. On se souvient qu’ils sont des gros déblayeurs et des gros gratteurs de ballon.
Et maintenant?
Maintenant, c’est le tournoi des VI Nations, qui va arriver plus vite qu’on ne peut le penser. On aura à peine eu le temps de digérer le foie gras de Noël que Novès nous annoncera sa première liste pour le tournoi.
Et autant vous prévenir qu’il va falloir commencer à penser à gagner quelques matchs. Parce que cette équipe aspire à bien mieux que ce qu’elle a obtenu jusque-là, en termes de résultat. Et parce qu’à l’issue de ce tournoi, le classement de l’IRB sera arrêté pour constituer les chapeaux de tirage pour la prochaine coupe du monde. Concrètement, ça veut dire que si l’on ne fait pas partie des 8 premiers, on peut se retrouver dans une poule avec Les All Blacks et l’Irlande. Ou les Gallois. Ou l’Afrique du Sud. Dans tous les cas, ce serait bien la merde, donc autant éviter de s’infliger cet obstacle. On en profite également pour souligner que les points de bonus ont été instaurés par le comité organisateur du VI Nations. Selon la formule de la coupe d’Europe et pas celle du top 14. C’est-à-dire que le bonus offensif est acquis à partir de 4 essais inscrits, et le bonus défensif pour toute défaite par 7 points d’écart ou moins.
Mais donc, que peut-on – ou plutôt que doit-on – attendre de cette équipe de France pour cette édition 2017 ? Déjà, qu’elle nous fasse encore vibrer, et nous permette de traverser l’hiver sans trop de soubresauts. Pour info, on reçoit L’Ecosse et le Pays de Galles, deux matchs qu’il faudra gagner, et on se déplace en Angleterre, en Irlande et en Italie. Voici le calendrier de nos Bleus :
Gagner en Angleterre dès l’entame apparaît délicat. Ce serait un énorme coup, tant le XV de la Rose est impressionnant depuis la prise de fonction d’Eddie Jones. Ils sont invaincus en 2016, et capitalisent clairement sur le travail de Stuart Lancaster, le précédent sélectionneur. Après, la dynamique voudrait qu’on détruise des Italiens toujours sur courant alternatif. Et ce serait magnifique qu’on tape des Irlandais à l’Aviva Stadium. C’est dans nos cordes en tout cas.
Voilà pour ce petit point sur le XV de France. Le plus positif en fin de compte, et on s’en est rendu compte au fil de l’écriture, c’est d’avoir l’impression que le désastre de Cardiff contre les Blacks (le Knysna du rugby Français, quand y réfléchit bien) semble loin, très loin derrière nous.
On va s'en mêlée






